Partir pour Minsk [par Jeremie]

Partir pour Minsk [par Jeremie]

Suivez le périple de Jeremie pour Minsk jour après jour.

• JOUR 0 : Quitter Mallorque

Je ferme les yeux. Le soleil est bleu, le ciel jaune (ou plutôt l’inverse)…Le bruit déroulant des vagues turquoises berce mon esprit naviguant sur le sable chaud. Oh ! On se réveille. Les vacances sont terminées depuis 2 jours.

Heroic Nation Minsk

Bon ok, il y a deux jours, par une température (presque) idéale je faisait l’étoile de mer la tête orientée vers le fond d’une eau transparente pour saluer Nemo est ses collègues (le poisson, pas le capitaine hein…) et aujourd’hui je bourre ma valise de pull en vraie laine de faux moutons. Équipé de ma fidèle doudoune aubergine qui me suit partout, doudoune que m’a offert mon bon ami Mario Boisclair du Québec (toujours valoriser les conseils d’un québécois en matière de doudoune aubergine), et je me sens prêt. Oui parce que si les températures au-dessus de zéro vont me manquer, le fait d’aller à Minsk en Biélorussie (Biélo..quoi ?) pour enseigner pendant trois jours aux étudiants de YFM (Year For the Mission, une école biblique américaine pour étudiants anglophones et russophones) me motive au plus haut point. Ok je serai seule, l’autre moitié d’Heroic Nation étant trop enceinte pour pouvoir tourner (ouais ouais genre l’excuse…), mais quel privilège de pouvoir voyager et servir Dieu de cette manière. Si j’avais imaginé ça un jour…

Je me sens vraiment honoré, donc super décidé à ne pas me planter royalement. Si j’ai déjà enseigné à plusieurs reprises (en France, au Québec, en Israel), ça sera la première fois que je le fais en « english ». Prêcher en anglais c’est une chose, mais aborder des termes techniques sur le cinéma, le montage, les médias créatifs dans la langue de David Beckham (ou Shakespeare selon votre culture), ça va pas être la même limonade… Oui je cite « Astérix et le domaine des dieux » et alors ??

• JOUR 1 : Niet visa…

Je ferme les yeux. Reste calme, reste calme, pense à l’étoile de mer et au bonheur d’avoir une doudoune aubergine. La dame devant moi a beau tenter de m’expliquer dans un français teinté d’accent russe, j’ai du mal à comprendre comment je peux me retrouver bloqué à Paris pour une question de visa. Replaçons les choses dans leur contexte : pour me rendre à Minsk (où je n’ai pas besoin de visa pour moins de 5 jours) je passe par Moscou en correspondance pour 1h. Or je ne change pas d’aéroport sur Moscou, je reste dans le même, donc nul besoin de visa de transit pour aucune destination internationale à ce qui est mentionné sur les sites officiels ! Et bien si mon petit poulet : seule exception au tableau: la Biélorussie ! (La Biélo…quoi ?) Da da ! Niet visa transit, niet billet, niet avion !

J’ai bien tenté de lui expliquer qu’habituellement je n’ai aucun problème de transit, j’ai senti qu’elle avait du mal avec mon humour. Je me suis enfoncé dans ma doudoune aubergine… niet visa, niet billet, niet ta maman en doudoune (aubergine !). Mais ce qui me dépasse complètement c’est qu’à aucun moment cette exception (pour la seule Biélorussie) n’est mentionnée sur les documents officiels (dans la mesure où l’on ne quitte pas l’aéroport) !

Elle: Oui Monsieur ce problème est souvent rencontré !

Moi: Mais alors vous ne pensez pas que ça serait utile de le signaler quelque part ?

Elle: …sans doute ! ?

Moi: Et moi alors ?< em>-Elle: Niet visa, niet billet,…

– Moi: Merci bonne fin de journée ! ?

Bref après 4h de galère à jongler avec 25 sites et applications de compagnies aériennes (merci à ma petite femme Manue pour son aide précieuse) je retrouve un nouveau vol pour le lendemain matin 5h35 via Kiev ! Avec 10h de transit sur place, je vais peut être avoir le temps d’y retrouver des amis ! ?Dans tout ça je retrouve mon beauf Michael qui transit aussi par Paris avant de s’envoler pour l’Argentine, et tous deux nous rejoignons Roland sur Paris, un ami calédonien de notre église de Pau en déplacement transitoire à Paris également (c’est l’hiver, épidémie de gastro, le transit fonctionne à plein régime, ok… je sors). On passe un super temps tous les trois au Starbucks Opéra et me voilà de retour à l’aéroport Charles de Gaulle. Bonheur et joie, j’ai trouvé un hôtel 5 étoiles pour ma nuit :

Et les genoux contre le radiateur éteint (=froid) j’écris ces quelques lignes !

« Dieu transforme le mal en bien », me rappelle mon père par sms !

C’était finalement une belle journée ! Mais quand même, vivement demain !

• Jour 2 : On arrive quand ?

Je ferme les yeux. Non pas encore… d’abord 20 minutes et maintenant 40 fichues minutes dans le froid ukrainien. Bon je suppose que c’est simplement le bouquet final…Après 2 jours de trajets pour atteindre atteindre Minsk, incluant une nuit blanche (sans dormir une seule minute) dans le froid de l’aéroport parisien (vois saviez qu’ils coupaient le chauffage la nuit ? Bande de radins) je suppose que 40 minutes de retard sur mon dernier vol Kiev-Minsk ça ressemble juste la crise d’urticaire après la morsure de mygale !

Bref, arrivé (enfin) sur Minsk à 22h15 (0h15 heure de Paris) après presque 2 jours de voyage je retrouve mes amis Bruce & Debrah Crowe, leurs 8 enfants (rencontrés en Ukraine en Avril, revu au Canada en Mai) et les discussions passionnées sur le Hockey peuvent commencer (en indubitable fan des Mapple Leaf qu’il est contre moi, un fan de ce qui reste du Canadien cette saison). Demain le vrai boulot commence !

 

• Jour 3 : Anatomie du film

Je ferme les yeux. Fais une blague de français, ouais c’est cool ça une blague de français….Les étudiants, moitiés bélarusse, moitiés canadiens moitiés americains (oui 3 moitiés, parfaitement) sont devant moi !

Comme le disait Bruce, Minsk ressemble a une accumulation d’immenses boîtes identiques (des grands immeubles) avez des milliers de fenêtres. Mais curieusement ces « champs d’immeubles cultivés » ont dans leur côté majestueux, quelque chose de beau.

Mais face à ces étudiants, qui n’ont rien d’une face d’immeuble, je suis encore plus impressionnés ! Ils sont beaux et ont soif d’apprend et de servir Jésus. Alors ensemble on analyse des séquences de films, on attaque un projet d’écriture et je termine la première journée en leur disant :

 » Quand j’ai commencé à travailler dans la vidéo, tout coûtait cher ! Aujourd’hui nous avons tout à porté de main. Dieu nous donne la créativité pour partager son amour et’ tous les outils sont disponibles et déplus en plus gratuitement ! Alors qu’elle est notre excuse ».

Puis d’un coup, quand je pense à la première phrase de cette conclusion, je me sens vieux ! ?

 

Jour 4 : MIHCK

Je ferme les yeux et je souris en pensant à ce ciel gris, lourd, pesant, qui constitue le plafond quotidien des 2 millions d’habitants de Gotham City (c’est comme ça que Bruce Crowe appelle Minsk, ou MIHCK si on l’écrit en Russe) presque 52 semaines par an.

Debrah et Bruce Crowe sont deux missionnaires résidant la plupart du temps en Ukraine, dans un village au Sud Est de Kiev, sur la rive Sud de la Dniepr, dont la prononciation correcte du nom quasiment impossible pour toute personnes née entre le Rhin et l’océan Atlantique est entrée dans le Top 10 de ma Bucket List. Jugez plutôt : RZHYSHCHIV. Ils ont ouvert une œuvre audacieuse et créatives pour servir les gens, les amener à connaître et à suivre Jesus tout en élevant leur 8 enfants. Je les ai rencontré alors que Lydie et moi venions tout juste d’arriver en Ukraine pour une tournée d’Heroic Nation au mois d’Avril dernier.

Ce village (surnommons le RZ pour que ça sonne plus cool) est le point de départ d’une tournée qui a considérablement impacté ce ministère d’Heroic Nation. Une belle amitié est née et alors que Bruce prenait la direction d’une mission à Gotham City, et qu’il y implantait une école biblique pour étudiants russophones et anglophones, quittant ainsi RZ et l’Ukraine avec toute la famille pour quelques mois (oui ça s’appelle du courage), il m’a demandé de passer pour transmettre ce que je savais sur le langage cinématographique, le montage, l’écriture, bref, tout ce qu’il faut pour réaliser des films ou des vidéos aujourd’hui.

Alors je me tiens aujourd’hui devant ces étudiants et je mesure une nouvelle fois le privilège.

Et après 3 jours de cours et de conseils, les étudiants, répartis en 2 groupes, ont écris et commencés à réaliser deux projets vidéos qui je l’espère, leur donneront la confiance nécessaire pour ne plus avoir peur d’attaquer de front des projets de ce type, sans doute encore plus ambitieux, a l’avenir.

Mais en conclusion de ces cours, Bruce m’a demandé de partager mon témoignage et de décrire la façon dont Heroic Nation est né et ce qui pèse au plus profond de nos cœurs avec Lydie, mais aussi avec nos époux et épouses. Et à chaque fois que je raconte ce parcours, il y a un moment particulier qui systématiquement me fait remonter tout un lot d’émotions. Un moment de décision qui prend aujourd’hui toute son importance.

Alors j’ouvre des yeux humides (sans doute à cause de la climatisation…) et je vois que l’un des étudiants est particulièrement touché par ce que je suis en train de raconter. Et alors que nous mangeons ensemble juste après, il me décrit sa situation dont la similitude avec ce que nous avons traversé me surprend. Et alors que je le conseille du mieux que je peux et que je l’encourage à faire confiance à Dieu pour son propre avenir, je me dis qu’au delà des cours, je suis peut être bien venu à Gotham City pour lui.

Et tant pis si je n’ai pas eu le temps de croiser Batman.

Jour 5 : Steak et concert Nineties 

Je ferme les yeux en écoutant la musique du groupe Pilgrim, groupe de louange très en vue dans le monde francophone dans les années 90. Dans un pays aussi contrôlé et fermé que la Biélorussie, le fait d’assister à un concert dans l’auditorium philharmonique de la ville (LA salle historique de la ville) a quelque d’historique.

 

Sur scène, en arrière plan dans l’ombre, accompagnant à la guitare acoustique, il y a ce jeune gars Colin réquisitionné pour l’occasion. Colin est un jeune américain qui est venu en Biélorussie assez récemment en suivant la voix de Dieu. Un peu plus tôt dans l’après-midi, nous avons pris le temps de parler tous les deux et je suis resté sous le choc d’une chanson qu’il m’a fait écouté (enregistrement très sommaire avec sa guitare sa voix et son iPhone). « Abide » est une chanson tellement bien écrite, composée et qui est allé touché mon coeur directement. Alors je l’encourage et je lui dit qu’il doit continuer à composer, commencer à construire des choses, persuadé que Dieu lui réserve de belles choses, des grandes choses. ET si je ferme les yeux c’est parce que plus je voyage, plus je suis étonné par la façon dont Dieu agit de pars le monde. Les connections qu’il opère pour encourager, les « coïncidences » qui font qu’au fin fond de la Biélorussie, on peut rencontrer des gens qui ont ouvert une structure biblique dans le même village espagnol où nous passons presque tous nos étés avec Manue. Cela construit notre foi, cela nous encourage.

Et pour ma part, rencontrer des Bruce, des Debrah, des Colin, etc. cela m’encourage, me donne envie d’aller chercher de nouvelles choses avec Dieu, d’avancer dans la foi, de ne pas hésiter, d’être audacieux ! C’est aussi pour cela que j’aime voyager et voir l’oeuvre de Dieu avancer partout dans le monde ! Et puis aussi pour goûter des bons steak. Invité par Debrah et Bruce après le concert (Bruce attendait ce moment avec impatience, rien ne peut se mettre entre lui et un bon steak), dans un resto sur Minsk où le serveur est trop heureux de bredouiller quelques mots de français à mon égard. Pour tous ces moments de partages, pour les expériences et les rencontres, pour les concert Nineties et les steak saignant (« avec du poivre s’il vous plaît ») je suis reconnaissant d’être là ! Et aussi reconnaissant de rentrer demain et de retrouver Manue et mes trois petits garçons. C’est de plus en plus dur de partir longtemps loin d’eux et j’ai l’impression que ce n’est pas prêt de s’arranger…Tant mieux !

 

Jour 6 : Et maintenant….

Si j’ouvre les yeux dans mon lit chez moi, par ce froid matin d’automne, bien au chaud sous ma couette, c’est parce que trois petits (grands) garçons me sautent dessus en criant « Salut Biloute ». Bon il va falloir que j’ai une conversation avec les grands parents qui les ont gardés quand Manue travaillait. « On a regardé « Bienvenue chez les ch’tits » et c’était trop drôle » me dit Maxime, 9 ans (« 9 ans et demi, papa »). Sans blague… ?

Je suis arrivé tard la veille au soir après un vol super direct « Minsk-Paris » puis par un train super pas direct (et à la bourre) « Paris-Bordeaux-Pau ». Cueilli à la gare par un Jeremie Del Zotto qui, malgré son amitié, se serait plutôt vu sous une couette que dans sa voiture à cette heure, j’arrive chez moi trop content de serrer Manue (un peu malade quand même) dans mes bras. Les trois garçons au dodo dans leur chambre, je ne les verrai qu’au matin.

Mais ce qui est sûr, après tout ce que j’ai vécu sur place, après tout ce que Lydie et moi avons traversé cette dernière année, les coups de pouces et les directions divines, les encouragements et les défis, joies et les tensions (oui oui, entre frère et soeurs, vous savez…) on se dit que c’est vraiment là qu’est notre place. Et nous n’aspirons maintenant plus qu’à une seule chose, vivre ces choses en famille. Aller plus loin encore, mais tous ensemble. Le ministère d’Heroic Nation grandissant de plus en plus, Lydie et moi sommes parfois dépassés par tout ce qui se déroule devant nous, trop heureux d’avoir tout lâché pour vivre par la foi selon la direction de Dieu. Mais aujourd’hui, nous avons décidé de demander plus. Notre prière est la suivante :

« Seigneur, notre ministère n’est pas complet tant que nos époux/épouses et enfants ne vivront pas les choses avec nous. Nous ne voulons pas d’un ministère par correspondance où Papa/Maman s’en va et revient, mais nous voulons vivre en famille ces choses par la foi. Et tant pis si cela demande encore un peu plus de sacrifices (confort, etc…). C’est comme un rêve pour nous et nous voulons nous battre pour ce rêve que Toi Seigneur, tu as placé dans nos coeurs ».

Psaume 37 v4

 

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